Avantages concurrentiels – croissance créatrice ou destructrice de valeur

Une entreprise avec une activité très rentable est comme un château qui serait constamment attaqué par les concurrents. Sans de larges et profondes douves entourant celui-ci pour sa défense, les concurrents sauront bientôt imiter les produits de la société , et pratiqueront des prix inférieurs pour lui voler des parts de marché.

Les marges de profit de notre Société très rentable s’éroderont alors rapidement pour en faire une Société tout juste moyenne.Cette image des “douves” ou du “fossé” (“moat” en anglais) est issue d’un terme emprunté à Warren Buffett pour désigner les moyens que développent certaines entreprises pour garder les concurrents à distance.

Ce “fossé économique” constitue un avantage concurrentiel durable qui permet à une entreprise de gagner des rendements excédentaires sur le capital pour une longue période de temps.Commençant par les bases : Un stand de limonade.

La preuve quantitative la plus importante de la présence d’une telle barrière à l’entrée est un rendement élevé sur le capital investi ou ROIC (Return On Invested Capital). Les investisseurs (actionnaires et créanciers) exigent en effet un certain niveau de rendement avant de fournir à une entreprise les fonds nécessaires pour mener ses affaires. C’est ce qu’on appelle le coût moyen pondéré du capital , ou WACC (Weight Average Capital Cost).

Une entreprise génère des rendements excédentaires si son ROIC excède toujours son WACC. Sa croissance est d’ailleurs génératrice de valeur si et seulement si son ROIC ets supérieur à son WACC. Dans le cas contraire (ROIC < WACC), sa croissance sera destructrice de valeur (oui c’est possible !).

Par exemple, imaginez que le petit Titeuf veut ouvrir un stand de limonade . Il a besoin de 100 € d’avance pour acheter une table, un broc, des citrons , le sucre, la glace , et les gobelets. Il s’agit de son capital investi . Titeuf emprunte 50 € à la Banque Nationale de Maman et promet de lui payer son intérêt de 5% (2,50 €) . Papa a une tolérance au risque plus élevé , alors il achète 50 € d’actions ordinaires dans le stand de limonade de Titeuf . Papa attend un rendement de 10 % (c’est ce qu’on appelle le coût des capitaux propres).

Le capital investi dans la stand de limonade est financé avec 50 % d’actions et 50 % de dette . Le coût moyen pondéré du capital est, comme son nom l’indique, une moyenne pondérée du coût des capitaux propres et de la dette . Il est calculé comme :

0,5 * 5 * 0,5 % + 10 % = 7,5 %

Si le stand de limonade de Titeuf était tout simplement une entreprise ordinaire, nous aurions alors un retour sur le capital investi correspondant exactement à son WACC : 7,5% . Mais Titeuf, avec sa tchatche légendaire, est un vendeur exceptionnel. Ainsi, à la fin de la journée, il a réalisé un bénéfice de 10 €, après s’être payé un salaire raisonnable et avoir reconstitué son stock de citrons et autres matières premières . LE ROIC du stand de limonade est de 10% (10 € / 100 €) ,et Titeuf a donc atteint un rendement excédentaire sur le capital .

Mais la concurrence arrive…

Jusqu’ici, Titeuf est assez satisfait , et son papa est en extase. Après avoir payé les 2,50 € d’intérêts dus à maman , Titeuf a 7,50 € de plus en poche soit pour les réinvestir dans l’entreprise soit pour les distribuer à papa comme un dividende. Le retour sur capitaux propres de papa est de 15% (7,50 € divisé par ses 50 € d’investissement) , bien en avance sur le coût des capitaux propres de 10 % qu’il en attendait . Qu’il est intéressant d’être actionnaire du stand de Titeuf !

Malheureusement, le stand de limonade de Titeuf ne dispose pas d’un fossé économique. Sa sœur Mélissa entend parler de sa réussite commerciale, et décide qu’elle veut aussi monter son propre stand. Maman et papa ne voulant pas se faire accuser de favoritisme, ils acceptent de financer Mélissa avec les mêmes 50 € en dette et avec 50 € en tant que capitaux propres. Mélissa s’installe le lendemain matin juste à côté de Titeuf.

Quand Titeuf et Mélissa comptent la recette de la journée, ils constatent que chacun a gagné un bénéfice de 6 €. Le ROIC a chuté à 6 % (6 € / 100 €), et Titeuf et Mélissa n’ont pas réussi à gagner leur coût du capital. Pour Maman c’est toujours bon , car elle continue à collecter 5 € d’intérêts sur son placement de 100 € au total. Mais maintenant il n’y a plus que 7 € (=[6-2.5 € d’intérêts payés à maman] * 2 stands) pour papa, soit un rendement de 7% sur son investissement total (Titeuf + Mélissa) de 100 €. Notre Papa actionnaire s’attendait à gagner au moins 10 %. La nuit suivante, Papa commence à s’inquiéter de la rentabilité décevante (et déclinante) de son investissement. Titeuf trouve que c’est “pô juste” et aurait voulu pouvoir pousser le stand de Mélissa de l’autre coté d’un fossé économique, pour éloigner sa concurrence, et continuer ainsi à générer son fort rendement sur capital investi (ROIC).
Dans ces conditions, vous imaginez bien qu’en raisonnant intelligemment toute croissance pour Titeuf est proscrite. En effet, si Titeuf voulait s’agrandir en montant un stand supplémentaire (en plus de son premier et de celui de sa soeur), cette croissance se ferait à ROIC < WACC, et il détruirait encore plus de valeur pour son entreprise (et ses actionnaires).

Trop souvent, des entreprises veulent absolument croitre pour grandir et “faire parler d’elle”, y compris avec un ROIC < WACC (soit dans des périmètres/domaines où elles n’ont pas d’avantage concurrentiel) : elles détruisent ainsi de la valeur pour elle et pour leurs actionnaires.

Mais, il existe aussi certaines entreprises qui ne sont pas exposées comme le stand de Titeuf et peuvent quant à elles gagner des rendements excédentaires sur le capital pour de nombreuses années, parce qu’elles sont protégées par un fort avantage concurrentiel (un large fossé économique). Investir dans ce type d’entreprises (tout en payant un prix raisonnable) est l’un des styles gagnants exposé dans mon livre Investir en Bourse : Styles Gagnants, Styles Perdants. (lien dispo ci-dessous)

L’analyse de ces avantages concurrentiels/fossé économiques (large, étroits, absents) est une spécialité qu’a développée Morningstar, et cet article est inspiré de leurs publications pédagogiques.

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3 réflexions au sujet de “Avantages concurrentiels – croissance créatrice ou destructrice de valeur”

  1. Très bon article!

    Le rendement du capital investi est assurément un élément des plus importants quand vient le temps d’analyser une société. La plupart des sociétés qui enrichissent leurs actionnaires sur le long terme savent réinvestir le capital de façon productive.

    Bravo!

    Martin

    Répondre
  2. J’ai bien l’impression que c’est un cours de management! En tout cas, c’est très clair et les exemples aident beaucoup. Je trouve que la concurrence tue le marché. Mais le monopole n’est pas bénéfique non plus. Bref, il faudrait que les entrepreneurs soient capables de se maîtriser pour vouloir le bien pour leur entreprise sans pour autant nuire à celles des autres.
    Répondre
    • Oui, très bonne remarque.
      Supposons que Titeuf passe un accord avec Melissa, supposons d’ailleurs que ce soient la banque Maman qui leur ait parlé à chacun de cette éventualité, et que l’actionnaire Papa ait proposé cette mesure en assemblée générale chez Melissa et Titeuf alternativement, et en réunion ensemble avec la banque Maman pour valider leurs emprunts respectifs et l’investissement de l’actionnaire Papa dans chacune des entreprises.
      Accord étant que Titeuf accepte de laisser un peu d’espace à Melissa en ne prenant pas toute la place devant la maison, et que Melissa se mette à une certaine distance du stand de Titeuf pour ne pas lui prendre trop de clients potentiels. Autrement dit qu’ils ne se marchent pas dessus, et qu’ils se mettent d’accord pour créer ce fossé économique, Qui ne sera peut-être pas aussi important que s’il était mis en place plus agressivement, mais qui est conclu sur un accord commun.
      Titeuf et Melissa gagneront peut-être alors plus, la banque Maman reste toujours remboursée donc gagnante, mais l’actionnaire Papa retrouve plus de bénéfice.
      Tout ça pour un autre regard sur la concurrence et les vertus de savoir concilier réussite individuelle et savoir vivre ensemble, pour une concurrence positive et émulatrice, donc créatrice de valeur pour tous, un modèle gagnant-gagnant. On peut toujours rèver.
      Mais en tant qu’infirmier libéral, je constate combien l’esprit concurrentiel à outrance crée de la peur, de la violence, et détruit la convivialité et donc au final la valeur ajoutée à ce travail, car le petit plus que tout le monde aime à voir, c’est le sourire, la bienveillance, la détente…difficile quand on a peur de l’autre, de perdre, d’avoir moins…..par contre renforcer les liens collaboratifs en respectant l’espace de chacun, en cherchant à se renforcer sur un petit périmètre proche au lieu de vouloir s’étendre et se disperser en gènant les autres, crée de la valeur, même si parfois c’est inconfortable au début voire semble perdant (période d’investissement sans revenu) au début.
      D’ailleurs, par la suite, Titeuf se rendit compte avec Melissa, qu’ils avaient des clients propres à leurs personnalités : bien sûr, Melissa avait plus de beaux jeunes hommes et des messieurs seuls, et Titeuf plus souvent des demoiselles (il sait leur parler, le coquin!). Et parfois, si l’un ou l’autre tombait en panne de limonade, gobelet ou autre, ils se dépannaient mutuellement.
      Vont-ils s’associer?
      Vont-ils créer un syndicat des vendeurs de limonade et créer une régulation de la densité d’installation par habitants du quartier?
      A suivre…..
      Répondre

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