Le plus ancien investisseur value français : Jean-Marie Eveillard

Jean-Marie Eveillard est un investisseur dans la valeur, reconnu internationalement, qui a géré le fonds First Eagle Global de 1979 à 2009. Parmi les pionniers de l’école value, il a une excellente réputation et peut prétendre faire partie des investisseurs “légendaires” de ce courant de pensée. Son originalité est qu’il est le seul français qui peut correspondre à cette définition, puisque avant de vivre aux Etats-Unis, Jean-Marie Eveillard est né, a effectué ses études,  et a débuté sa carrière en France.

Alors bien sûr, il existe aujourd’hui quelques investisseurs français de talent qui adoptent l’approche de l’investissement dans la valeur (même si ce courant reste minoritaire parmi la masse de capitaux brassés par les marchés). Nous pourrions prendre comme exemple les gérants dont nous parlions dans l’article invoquant les meilleurs fonds français. Mais Jean-Marie Eveillard, lui, était déjà un investisseur dans la valeur dans les années 70, c’est-à-dire à une époque où un certain Warren Buffett était encore assez méconnu…

Jean-Marie Eveillard a su éviter les pièges.

Jean-Marie Eveillard ne possédait aucun titre japonais à la fin des années 1980 (alors qu’ils étaient en pleine “mode”. Il a également su éviter les actions TMT (Technologie Multimédia Télécom) à la fin des années 1990, et les actions des bancaires avant 2008…

Un livre écrit par Jean-Marie Eveillard : En bourse, investissez dans la valeur !

J’avoue donc avoir ressenti une certaine excitation quand j’ai découvert qu’il partageait ses pensées dans un nouveau livre, dont la version française vient tout juste d’être sortie. Celui-ci est assez court, et s’intitule en Anglais “Le Value Investing fait sens”. Son titre français est à mon sens moins percutant, il s’agit de : En Bourse, Investissez dans la Valeur.

Au-delà des chapitres introductifs qui rappellent (comme dans d’autres) pourquoi l’investissement Value fait sens, le livre contient un mélange d’épisodes biographiques et de retours sur l’histoire d’investissement particuliers, comme par exemple Sodexho, Richemont, Essilor, Buderus, Shimano etc.

Là où c’est intéressant c’est que Jean-Marie Eveillard aborde également des sujets habituellement délaissés par les investisseurs dans la valeur, comme l’école autrichienne en matière d’économie, ou bien l’or en tant que placement.

D’ailleurs, sur l’or, en opposition à Buffett et Munger qui le considèrent comme un actif ayant peu d’intérêt, Eveillard est plutôt en accord avec moi : l’or est historiquement une monnaie, et même la monnaie ultime, c’est-à-dire le seul actif capable de protéger d’évènements extrêmes, aussi bien dans un cas de déflation que d’inflation. Ainsi, pour les gros patrimoines, avoir 5% à 10% de son patrimoine en or physique, vue comme une assurance fait sens (à stocker bien sûr dans un coffre à la banque et non à la maison.)

Jean-Marie Eveillard est un français, mais un français qui vit aux Etats-Unis depuis plusieurs décennies. En ce sens, son style peut surprendre car très direct, il n’y va pas par 4 chemins et son discours est parsemé de mots tranchés tels qu'”idiot” ou “absurde”.  La vision d’un investisseur converti aux moeurs anglo-saxonnes, mais qui a été formé par notre système éducatif a néanmoins un certain intérêt à découvrir pour un investisseur particulier français.

Il reste néanmoins humble si on passe au-dessus de ce style, car il revient sur certaines de ses erreurs au cours du livre en reconnaissant ses torts.

Quelques citations de Jean-Marie Eveillard.

  • En général, j’ai tendance à éviter d’investir dans des entreprises dirigées – directement ou indirectement – par des consultants ou des anciens consultants.
  • Buffett dit que les investisseurs dans la valeur ne sont pas hostiles à la croissance. Buffett dit que valeur et croissance se rejoignent à la hanche – les investisseurs dans la valeur veulent juste une croissance rentable et ils ne veulent pas payer de prix scandaleux pour cette croissance future parce que, comme Graham dit, l’avenir est incertain.
  • Une entreprise peut avoir de la valeur même si elle n’est pas en croissance. Dans ce sens, les investisseurs value ont tendance à penser comme les investisseurs en private equity – nous recherchons des entreprises stables et rentables – parfois dans ce qui semble être des secteurs poussiéreux.
  • Au cours des 30 dernières années, nous [First Eagle] sommes passés de Ben Graham à Buffett. Nous avons commencé par l’approche de Graham qui est un peu statique et moins potentiellement enrichissante que l’approche de Buffett, mais moins chronophage. Donc, comme nous avons renforcé notre équipe, nous nous sommes déplacés davantage vers l’approche de Buffett, mais pas sans inquiétude, parce que l’approche Buffett – oui, vous pouvez obtenir les chiffres correct, mais il y a aussi un aspect qualitatif majeur – et donc difficile – à l’approche Buffett.
  • Parfois, dans la vie, ce n’est pas seulement à propos de ce que nous achetons, mais ce que nous n’achetons pas.
  • Nous, les investisseurs dans la valeur,  jouons au bridge alors que les autres jouent au poker. La grande différence est que la chance intervient beaucoup moins au bridge qu’au poker. Je pense que le secret du succès de la plupart des investisseurs dans la  valeur est que lorsque les temps deviennent difficiles, ils restent accrochés à leurs canons et ne capitulent pas.
  • Je pense que l’une des raisons pour lesquelles je n’ai pas aimé être un investisseur dans la croissance, c’est parce que cela suppose que le monde soit parfait et certain, ce qui n’est pas le cas ! Devenir un investisseur dans la valeur m’a permis de reconnaître le fait que je suis incertain quant à l’avenir, donc ma priorité n°1 est d’éviter de perdre de l’argent, plutôt que chercher à générer de gros rendements.

Acheter le livre de jean-Marie Eveillard.

Le livre n’est pas très structuré, écrit à l’américaine, au point que cela ressemble parfois plus à une suite de pensées ou d’extraits d’interviews sur divers sujets mis bout à bout qu’autre chose. Un peu à l’opposé de ce que j’avais essayé de faire avec Investir en bourse : styles gagnants, styles perdants
en somme… 😉

De plus, la traduction française (J-M Eveillard bien que français, a écrit à priori originellement le livre en anglais), comme trop souvent chez Valor, est trop approximative. Néanmoins, il peut valoir sa lecture pour son contenu et parce qu’il essaie de ne pas être “qu’un livre de plus sur le Value investing”, les intérêts du livre étant :

  • Mieux connaître cet investisseur français au parcours exemplaire
  • Des sujets pas toujours abordés par les investisseurs value, comme l’or.

Avec en bémol, des chapitres inégaux, parfois très court et un contenu qui peut ne sembler pas assez dense. Ne vous attendez pas non plus  à un récit emphatique comme le fait Peter Lynch dans ses livres en arrivant à nous captiver au point de nous faire rentrer dans ses chaussures : ce ne sera pas le cas ici.

Ma Note : 13/20 (sur le livre, mais ce serait plus si on me demandait de noter l’investisseur !)

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