L’économie ludique, c’est possible grâce à deux livres peu connus qui rendent l’économie amusante. A mon avis, les livres des auteurs de Freakonomics sont très intéressants pour qui s’intéresse aux phénomènes de micro-économique dans la Société.
Dans les livres Freakonomics et Superfreakonomics (littéralement « économie saugrenue »), on parle plus de micro-économie que d’économie, et ce de façon ludique.
Steven Levitt, économiste à l’Université de Chicago, est moins intéressé par les empilages d’équation et plus intéressé à savoir pourquoi les gens agissent de la façon dont ils agissent. Il a reçu en 2003 la médaille John Bates Clark , qui est décernée par l’American Economic Association à un économiste de nationalité américaine de moins de quarante ans « qui a apporté une contribution significative à la pensée et à la connaissance économique » (Après le prix Nobel d’économie, c’est la récompense la plus prestigieuse en économie. D’ailleurs, une proportion importante de lauréats décrochent le « Nobel » par la suite).
L’économie de Steven Levitt, vue sous cet angle incongru, s’intéresse à la rationalité des agents, aux causes et effets des comportements, et traite finalement de sujets quotidiens mais peu étudiés en économie conventionnelle. Il utilise les méthodes de la microéconomie pour investir des champs d’études originaux, et ne se passionne pas pour la macroéconomie qu’il juge « trop ardue » et « déconnectée des idées et des intuitions ».
Il examine l’influence de la motivation, de l’hérédité, du quartier où vous avez grandi, etc. Il est en fait surtout question dans ces livres de l’étude de la réponse aux incitations, et de leur influence sur le comportement de chacun.
Il essaie ainsi de répondre à des questions comme « Pourquoi les dealers habitent encore chez leur maman ?« , ou saura vous dire quel est le profil-type de celui qui ne met pas d’argent dans la cagnotte le matin en prenant un croissant dans la corbeille de la salle café du boulot… Vous découvrirez encore le point commun entre les instituteurs et les lutteurs de sumo, le comportement des agents immobiliers, si on réussit moins dans la vie en s’appelant « Loser »…
Il faut s’intéresser à l’économie ou à l’entreprise pour apprécier pleinement ce livre. C’est donc plutôt le lecteur de magazines type Capital qui devrait apprécier en premier lieu cette analyse originale de la micro-économie au quotidien.
Points forts :
- A la fois délicieusement inutile et délicieusement captivant. Bref divertissant !
- Même si les sujets paraissent à première vue saugrenus (c’est d’ailleurs le but recherché), ils sont traités sur la base de véritables statistiques et base de données (que ce soit en ayant récupéré le carnet de comptes d’un dealer, ou à partir des résultats des tests de collège pour voir si les professeurs trafiquaient le résultat de leurs élèves). La démarche est donc scientifique.
- Les 2 livres sont disponibles en français, ce qui est assez rare pour ce genre d’ouvrages.
Points faibles :
- Certaines conclusions sont parfois présentées comme certaines alors que les chiffres ne suffisent pas toujours à prouver celles-ci de manière certaine et absolue. Ainsi, même si la plupart du temps ils font bien la distinction entre une simple corrélation et une induction de cause à effet, les conclusions causes-corrélations me semblent dans la réalité moins triviales que ce que semblent considérer les auteurs dans quelques passages, et donc plus soumises à interprétation.
Ma Note : 16/20
Le chapitre sur l’économie de la prostitution (dans le 2nd opus, Superfreakonomics) bénéficie également d’un traitement intéressant. Traité en partie avec l’aide d’une ex-prostituée désormais devenue économiste… Au delà des aspects bruts de décoffrage qui peuvent faire (ou non) sourire : « le prix des prestations s’est effondré depuis 1 siècle à cause de l’émergence abondante d’une offre gratuite de sexe = la libération de la femme », on voit qu’à la fois la libéralisation totale comme l’interdiction peuvent avoir des incitations négatives. Et que la solution à cette problématique n’est pas si triviale que les partisans d’un camp ou l’autre voudraient bien le dire.
L’introduction montre comment l’automobile a réglé un problème majeur de pollution urbaine au début du siècle dernier: les excréments de cheval…
Le 1er chapitre évoque la prostitution : comment la situation des prostituées s’est-elle détériorée suite au renforcement des lois anti-prostitution. Est-ce qu’elles offrent un meilleur service que les agents immobiliers?
Le chapitre 2 des terroristes kamikazes. Pourquoi devraient-ils s’acheter une assurance-vie?
Le chapitre 3 traite d’altruisme.
Le chapitre 4 montre comment certains problèmes complexes peuvent être réglés par des solutions simples et peu coûteuses. Le taux de mortalité infantile a grandement diminué suite à une recommandation aux médecins pour qu’ils se lavent les mains avant un accouchement. Comment le pétrole a-t-il permis d’éviter l’extinction des baleines? Comment la ceinture de sécurité contribue-t-elle à la sécurité automobile à peu de frais, alors que ce n’est pas le cas pour le siège de bébé et les coussins gonflables.
Le chapitre 5 est particulièrement intéressant. Il évoque en effet le réchauffement climatique en montrant comment certaines recherches de geoengineering (sont on n’entend pas parler) pourraient traiter le problème à moindre coût et plus efficacement que les tentatives (jusque là à l’efficacité limitée) pour reduire les émissions de CO2 : par exemple par injection de soufre dans la stratosphère. Des personnes telles que Bill Gates (qui n’a pas l’habitude de financer n’importe quoi) subventionnent d’ailleurs ces travaux.
Enfin, dans le savoureux épilogue, les auteurs relatent une expérience sur la monnaie conduite auprès de singes.