Beaucoup de start-ups ont choisi de baser leur business sur un modéle de souscription d’abonnement récurrent à un service, plutôt que de recourir au schéma traditionnel de vente aux clients de leur besoin à l’instant « t ». Mais cette nouvelle tendance est loin d’être le champ exclusif des starts-ups, puisque beaucoup de très grosses entreprises s’y sont également mises : Amazon essaie de convertir un maximum de ses clients à Amazon Prime, Microsoft fait la promotion d’Office 365 en remplacement de ses ventes traditionnelles de licences, Netflix, autre fois startup aujourd’hui devenue méga-cap, est le business de souscription par excellence devenu si gros qu’on rajoute parfois son N au sigle GAFA pour l’associer aux 4 autres méga-cap issues du monde du numérique… Dans ce cadre, que ce soit pour investir en bourse, ou pour monter vous même votre business de souscription, il est bon d’avoir quelques ratio-clés en tête pour analyser une entreprise basée sur la souscription récurrente d’un abonnement.
Les 4 facteurs qui font que les business de souscription sont devenus à la mode.
Si de plus en plus d’entreprises utilisent ce mode de vente, c’est qu’elles y ont intérêt. On peut citer 4 raisons principales :
- L’émergence de la génération millenial. Celle-ci commence à entrer dans la vie active et avoir du pouvoir d’achat. Or, les 20-30 ans sont les adeptes de l’économie du partage, ils vénèrent moins la possession que leurs parents, et préfèrent rester libre de profiter de quelque chose à l’instant t, et de l’abandonner pour autre chose à l’instant t+1. Ils fuient la contrainte et l’engagement : or, l’abonnement à un service d’utilisation d’un produit peut être vu comme moins engageant que l’achat de ce même produit en lui-même.
- Des coûts de distribution qui sont quasiment nuls grâce à Internet pour tout produit qui n’est pas matériel ou tout ce qui est numérique.
- Une confiance dans le paiement sur Internet qui s’est énormément renforcée ces 10 dernières années. En 2005, vous confiiez sur le web votre numéro de carte de crédits seulement aux grandes entreprises ayant pignon sur rue, alors qu’en 2018 vous utilisez votre carte de crédit sans trop de craintes avec n’importe quelle petite boutique vendant sur le web.
- L‘économie des données. Les données, les « big-data » sont devenues si importantes aujourd’hui qu’elles commencent en elles-mêmes à avoir une véritable valeur marchande. Or, une entreprise basée sur un business de souscription a une relation plus long terme avec ses clients qu’une entreprise qui leur vend quelque chose seulement de temps à autre, et les connait donc par conséquent beaucoup mieux, pouvant ainsi récupérer un maximum de données sur leurs profils.
Les autres avantages d’avoir des « clients automatiques » récurrents plutôt que des clients discrétionnaires vus de l’entreprise.
- Une entreprise basée sur un business de souscription a des revenus plus récurrents, et en général une meilleure visibilité. Elle n’a pas besoin d’aller rechercher en permanence des clients qui ne feraient qu’un achat ponctuel. Elle se transige donc en bourse ou quand elle est revendue en général à un multiple plus élevé qu’un business classique.
- La durée de vie de client est augmentée par rapport à un business classique.
- L’entreprise connaît parfait et en temps réel la demande. Un service d’abonnement créé par un marchand de fleurs consistant à envoyer des fleurs aux anniversaires de la famille d’un client BtoC ou changeant chaque mois le bouquet dans le hall d’un client BtoB (hôtel), n’aura pas le problème d’un fleuriste classique, qui va quant à lui jeter jusqu’à 50% du stock à cause des fleurs qui s’abîment.
- La base de données permet d’effectuer gratuitement les recherches marketing La relation directe avec les clients vous permet de lancer une étude marketing en étant payé pour celle-ci. Vous proposez votre nouvelle offre à un un échantillon de vos clients : non-seulement le résultat sera plus fiable qu’une enquête classique car il s’agit de véritables achats et non de simples intentions, mais en plus vous êtes payé pour effectuer votre recherche.
- L’entreprise est payée automatiquement.
- L’entreprise résiste mieux aux récessions grâce aux habitudes de ses clients et à des revenus récurrents.
- Les clients abonnés achètent plus et sont des cibles idéales pour faire de l’up-selling.
Voyons désormais les chiffres clés à prendre en compte pour analyser un business de souscription.
Les chiffres clés pour analyser un business de souscription.
Le MRR : Monthly Recurring Revenue
Ce 1er chiffre est facile à comprendre : il s’agit simplement de votre revenu mensuel récurrent. Il s’exprime en €.
La LTV : Lifetime Value.
La LTV est la valeur d’un client sur sa durée de vie. Si un client reste abonné en moyenne 30 mois, que votre MRR/client est de 10 €, et votre marge de 80%, la LTV de votre client sera de :
30*10*80% = 240 €
Le CAC : Customer Acquisition Cost ou Coût d’acquisition client.
Il s’agit de la quantité d’argent que vous dépensez en commercialisation et marketing pour gagner un nouveau client souscripteur.
Si vous avez dépensé le mois dernier 2000 € pour gagner 25 clients, votre coût d’acquisition client sera ainsi de 2000 / 25 = 80 €.
NB : Attention, si vous lancez un business attendez quelques-mois avant d’attribuer une fiabilité à cette valeur, il faut que les abonnées recrutés par sympathie pour vous (amis, familles) aient cessé de biaiser trop favorablement ce chiffre…
Le ratio de viabilité.
Le ratio de viabilité, dit aussi ratio de David Skok, est l’un des chiffres les plus importants pour analyser un business de souscription. Il est calculé comme :
LTV/CAC.
Plus il est élevé mieux c’est. Et pour qu’un business de souscription soit viable et ait une certaine pérénnité dans le temps, il doit vérifier l’équation :
LTV/CAC > 3
Ce taux peut flirter avec barre des 10 dans les meilleurs business de souscription. En dessous de 3, le business de souscription n’est pas viable sur la durée en tant que tel.
Le churn ou taux d’attrition.
Le churn est le taux auquel vos clients se désabonnent. On le calcule ainsi :
Churn = MRR perdu dans le mois / MRR en début de mois.
Si tous vos clients payent le même abonnement, la formule peut être simplifié de la façon suivante :
Churn = Nombre de clients perdus dans le mois / Nombre de clients en début de mois.
On pourrait penser qu’il y a un churn maximum acceptable, mais ce n’est pas vraiment le cas. Le churn admissible dépend vraiment du secteur d’activité dans lequel l’entreprise opère. Ce qui importe vraiment c’est le churn vu en relation avec votre coût d’acquisition client : vous devez avoir un churn assez bas pour que la formule de viabilité LTV/CAC > 3 soit respectée.
Si vous calculez un LTV/CAC et qu’il ressort inférieur 3 :
- Si vous êtes du côté « investisseur en bourse », je vous conseillerais plutôt de passer votre chemin. Rien ne vous garantit que cette entreprise saura être viable à terme. La niche n’est peut-être tout simplement pas assez rentable, ou l’exécution peut être mauvaise.
- Si vous êtes du coté « entrepreneur », vous devez essayez d’activer tous les leviers vous permettant de faire remonter votre ratio de viabilité LTC/CAC au-delà de 3. Il s’agit principalement de baisser votre coût d’acquisition et/ou votre churn, en essayant de voir d’abord lequel de ces 2 leviers est le plus aisé à mettre en oeuvre pour le prioriser et optimiser votre ratio résultats/efforts.
Exemple de calcul de ces chiffres-clés mis ensemble.
Prenons l’exemple suivant :
- Coût d’acquisition Client (CAC) = 81,50 €
- MRR moyen par client = 18,84 €
- Churn du MRR mensuel = 3.4%
- Taux de marge = 82,3%
On a :
LTV = MRR*Taux de marge / Churn
= 18,84*82,3%/3,4% = 456 €
D’où il vient :
LTV / CAC = 456 / 81,50 = 5,6 > 3
Selon le ratio de viabilité, le business de souscription de cet exemple est bien viable sur la durée.
Pour aller plus loin.
Si vous vous intéressez à ce type de business de souscription à revenus récurrents, vous pouvez, si vous lisez l’anglais, lire le livre The Automatic Customer: Creating a Subscription Business in Any Industry.
Outre les éléments décrits ci-dessus, vous y trouverez par exemple les 9 types de business-models basés sur la souscription d’un abonnement récurrent. Ce livre m’a pour ma part déjà été utile sur des investissement que j’ai effectués en bourse par le passé comme Gaia (que l’on pourrait décrire rapidement comme un Netflix de niche sur le yoga et la…fumisterie, et qui à une époque pas si lointaine fut dans un pur style d’investissement value bottom-up une net-net et donc dont le business en lui-même pouvait s’acquérir « gratuitement »), et côté entrepreneur cette fois-ci dans mon propre business internet (dont fait partie le blog que vous lisez actuellement).