Immobilier locatif : rendement nominal et rendement entrepreneurial

Comment améliorer votre rendement locatif ? La meilleure méthode est d’ajouter au rendement nominal du rendement entrepreneurial. Mais avant que vous vous lanciez dans vos calculs, apprivoisons ensemble ces 2 concepts peu connus des investisseurs.

 

Concepts de rendement nominal et de rendement entrepreneurial.

En relisant récemment un passage du livre de Thomas Piketty, je me suis arrêté sur la notion de rendement entrepreneurial.

En substance, Piketty explique que le rendement du capital a en moyenne tourné autour de 5% dans l’histoire. Au point d’ailleurs que dans les livres de Balzac, en cette époque où l’inflation était au point mort, les personnages parlaient alternativement d’une rente de x, ou d’un capital de y (avec y=x*20) lorsqu’il était question d’aborder l’étendue de la fortune d’un tel. Lorsque certains arrivent à faire des investissements dont le rendement du capital est durablement supérieur à 5%, Piketty explique que derrière le rendement du capital se cache souvent en sus un « rendement entrepreneurial », résultant d’un travail supplémentaire de l’investisseur.

En bourse, on pourrait ainsi opposer par exemple d’un coté le simple achat d’un indice à d’un autre coté un style d’investissement value bottom-up (tel que je le décrivais dans Investir en bourse : styles gagnants, styles perdants ou tel que le pratique « en réel »  l’Investisseur français), où l’investisseur essaye par un travail d’analyse minutieux et la rigueur d’un process de surpasser la performance desdits indices.

Mais, je pense que ce qui illustre encore mieux ce concept, c’est l’investissement immobilier locatif. En raisonnant en rendement brut, en se plaçant dans une ville de province où existe une demande locative plutôt soutenue, un rendement de 5% brut est proche de celui qu’on peut espérer obtenir avec le travail minimum, i.e en recherchant simplement un bien à acheter, puis en le mettant en location.

Examinons maintenant différents styles gagnants en immobilier qui permettent d’espérer obtenir un rendement supérieur à 5%, voire de flirter avec les 10% qui permettent en général d’envisager des cash-flow positifs en autofinancement. Nous allons constater que tous nécessitent un travail allant au-delà du simple placement du capital, même si ce travail peut être de différente nature. Et que derrière des rendements bruts de 10% se cache souvent l’équation 10% = 5% de rendement du capital + 5% de rendement entrepreneurial.

Stratégies pour ajouter du rendement entrepreneurial à votre rendement immobilier locatif nominal.

  • Style d’investissement immobilier locatif gagnant n° 1 : acheter des appartements avec travaux dans des grandes agglomérations dynamiques.

Cette stratégie consiste à acheter des biens nécessitant travaux, et dont le prix est décoté pour cette raison. Le but est que le prix du bien travaux compris, une fois ceux-ci effectués, soit sensiblement inférieur au prix d’un bien équivalent sans travaux.

L’investisseur gagne sur 2 tableaux : d’une part, son rendement brut est meilleur, et d’autre part son rendement net est amélioré par la déductibilité fiscale des travaux.

Beaucoup d’investisseurs ont établi une telle stratégie, en investissant dans des petits lots (T1/T2) au sein d’agglomérations dynamiques, souvent sous le statut avantageux fiscalement de loueur en meublé professionnel (LMNP). Il faut cependant noter que les récentes évolutions (2015) ont réduits certains des avantages de ce statut : notamment la CFE à payer (avec une CFE minimum), et la non-déductibilité des frais de comptabilité créent à mon sens un effet d’échelle, et il faut donc viser plusieurs lots plutôt qu’un seul dans un tel schéma.

Le travail supplémentaire est ici d’abord dans la recherche d’un bien avec travaux, les biens exploitables étant plus rares que ceux qui ne le sont pas. Plus les travaux seront importants et l’opportunité rare, plus le rendement entrepreneurial que l’investisseur pourra en tirer sera élevé. Par exemple, un studio trop grand (35 m2) transformé en T2 créera plus de rendement entrepreneurial qu’un simple rafraichissement des peintures. Le travail supplémentaire sera ensuite dans le suivi (s’ils sont sous-traités par un artisan) ou la réalisation des travaux.

  • Style d’investissement immobilier locatif gagnant n° 2 : acheter des appartements en zone rurale à fort rendement.

D’autres investisseurs habiles se sont spécialisés dans l’achat de biens en zone rurale à fort rendement. L’idéal est par exemple ici de rechercher des biens plutôt grands (T3 visé, idéalement biens rassemblés dans un immeuble de rapport) au centre d’une petite ville de quelques milliers d’habitants, relié par TER à une agglomération, et… avec un rendement brut à 2 chiffres.

Ces investisseurs ont tendance à se moquer plus de la revente que les autres investisseurs. Le raisonnement induit est le suivant : si j’achète un immeuble 150 k€ avec un rendement de 13%, mon immeuble me dégage des cash-flow positifs dès la 1ère année, et il est entièrement payé par les locataires. « Qu’importe donc, même s’il est revendu moins cher dans 20 ans, ce n’est pas dramatique : je sortirais avec un chèque de chez le notaire alors qu’en pratique je n’en ai pas fait au départ ».

L’optimisation fiscale est souvent faite, au-delà des travaux possibles créant des déficits fonciers, en louant ces biens sous le régime du Borloo ancien secteur intermédiaire (lorsque le bien est compatible avec les exigences de l’Anah du département local pour être conventionné). En effet, les plafonds de loyers ne sont en général dans ce cas-là pas contraignants par rapport au prix de marché des loyers.

Le travail supplémentaire sera souvent ici dans la limitation des vacances locatives et la gestion des locataires. Les vacances locatives peuvent être limitées en proposant des appartements biens aménagés, modernes, et en plaçant son loyer légèrement en dessous du prix moyen du marché. Tout cela pour compenser un équilibre offre-demande à la base bien moins favorable aux bailleurs que dans les grandes villes. Les revenus de la population cible seront également moindres, avec moins de possibilité de choisir ses locataires. Par conséquent, une gestion active et de proximité sera souvent nécessaire pour limiter les risques d’impayés (ou de dégradations), et c’est elle qui sera sous-jacente à ce rendement entrepreneurial supplémentaire.

 

  • Style d’investissement immobilier locatif gagnant n° 3 : le Pinel, en mode « non-pigeon ».

Les investisseurs immobiliers avertis parlent souvent de « bêtes à plumes » quand ils évoquent les personnes qui investissent dans des appartements Pinel packagés.

Le schéma classique du Pinel est l’achat d’un produit tout prêt à un vendeur de défiscalisation. Les investisseurs regardent souvent la réduction d’impôt, et oublient de comparer le prix du bien neuf au prix d’un bien ancien équivalent au même endroit. S’ils le faisaient, il s’apercevraient que le surcoût va au-delà de la différence de prix normale entre neuf et ancien, et qu’une partie sinon tout l’avantage fiscal se retrouve in fine dans la poche du promoteur. De là, 2 cas sont possibles :

  • Ou le bien est dans une zone à forte demande, et l’investisseur est très fiscalisé. Dans ce cas là, comme la réduction Pinel est – contrairement au loyer perçu – un revenu non fiscalisé, l’investisseur peut s’approcher d’un rendement brut de 5%, rendement du capital qu’il ferait en achetant un bien ancien « vite fait », i.e sans travail ou optimisation supplémentaire. Il croit avoir fait une affaire, alors qu’il a en pratique juste placé son argent  à un niveau proche du rendement du capital.
  • Ou le bien est situé dans une zone pas si tendue que ça pour le type d’appartement acheté. C’est l’histoire des Robiens de Périgueux, Montauban etc. qui se répète, et effectivement le commercial du promoteur peut se satisfaire qu’un « chaque matin, quelque part, un pigeon se lève ».

Mais il y a malgré tout un style qui fonctionne en Pinel. C’est se placer soi-même dans la peau du maître d’ouvrage, en achetant soi-même un terrain, puis en faisant construire une maison locative dessus. J’avais d’ailleurs déjà évoqué cela dans Construisez et gérez votre patrimoine avec succès, même si à l’époque c’est la loi Scellier qui était concernée. C’est même possible dans des zones B2 à dérogation, car le surplus d’offres locatives dans ces zones ne concerne souvent que les appartements (a fortiori T1 et T2) et non les maisons (le rêve de la maison avec jardin pour sa petite famille fait toujours recette). Ainsi, dans ce cas, l’investisseur ne surpaye pas le bien puisqu’il le paye au même prix qu’un primo-accédant qui ferait construire sa résidence principale.

Le travail supplémentaire est ici le suivi des travaux durant le chantier. Il est en effet plus chronophage, en termes de suivi, d’acheter un terrain puis de faire construire une maison que d’acheter un appartement en VEFA. Mais c’est justement ça qui génère un rendement entrepreneurial supplémentaire, rendant opportun dans ce cas très spécifique un investissement autrement souvent décrié par les personnes éclairées.

 Pour calculer avec précision les effets du rendement entrepreneurial, sans faire à la main les calculs complexes induits par les régimes Pinel, Borloo, déficit foncier et ses reports, vous pouvez utiliser ce simulateur en ligne de rendement locatif qui est capable de gérer l’ensemble de ses régimes.
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8 réflexions au sujet de “Immobilier locatif : rendement nominal et rendement entrepreneurial”

  1. Je n’avais pas lu Piketty, les débats m’ayant fait penser à un pamphlet politique. Finalement, on doit y trouver des trucs intéressants, si c’est ça qui vous a inspiré. Car je n’avais jamais lu avant sur cette notion de rendement entrepreunarial, et pourtant quand on y pense elle est tellement vraie.
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  2. Belle analyse sur les différents rendements existants.

    personnellement psychologiquement seul le rendement du capital. on ne prend rarement en compte le rendement entrepreneurial pour déterminer si un bien vaut le coup ou non.

    j’ai bien aimé également tes remarques sur le Pinel et la plus-value du promoteur : c’est tellement vrai ! et pourtant chaque jour des package Pinel sont vendu à des investisseurs imprudents…

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  3. Merci pour cet article. Peu de blogs parlent réellement de la rentabilité d’un bien immobilier. Partir d’un rendement brut de 10% est une bonne stratégie pour sécuriser l’investissement. Car une fois pris en compte les charges, la vacances, les impôts etc. La rentabilité nette nette est souvent comme vous le dites au moins 2 fois inférieur voir plus.
    Le pinel peut être rentable en effet si l’investisseur n’oublie pas les fondamentaux d’un investissement immobilier. Le placement, la demande locative, la valorisation du bien, etc.
    Je sais pas si vous avez essayé http://www.rendementlocatif.com, le site à l’air sympa mais j’aurais voulu avoir un retour d’expérience.
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  4. Tiens, dans les 3 points, je reconnais les 3 de mes amis (moi compris) qui se démer***** en immobilier locatif. Tu ne t’es pas beaucoup trompé Julien 😉
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  5. J’étais conscient de ça au fond de moi depuis longtemps, mais c’est la 1ère fois que je le vois aussi bien (et simplement) expliqué. Merci !
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  6. Très bon article en effet. Plus loin dans votre livre vous donnez l’exemple de dissocier le parking pour maximiser le rendement entrepreneurial d’un bien acheté en centre ville.
    Afin de pouvoir proposer deux baux distincts, est-il nécessaire de faire deux actes de vente chez le notaire dès le début ou on peut dissocier le bien à posteriori? (Plus complexe de calculer les frais de notaires et amortissements intrinsèque à l’appartement par la suite?)

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    • Dans mon exemple, c’était sur du nu de mémoire.
      Dans le cas que vous exposez, je dirais a priori un seul acte avec mention de la répartition de prix entre lot apptmt et lot parking à partir de son estimation. À confirmer avec le notaire.

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