Les foncières SIIC de centres commerciaux souffrent beaucoup en ce moment en bourse : au-delà de la défiance générale des marchés, les menaces de remontée des taux, la crise des gilets jaunes ayant affecté les commerces, et la concurrence du commerce en ligne expliquent ce désamour. Mais peut-être qu’une opportunité intéressante apparaît en ce moment, tout en se couvrant contre une cannibalisation des centres commerciaux par Amazon.
Unibail-Rodamco-Westfield : une foncière européenne premium de classe A.
Unibail est une foncière intéressante, car c’est une foncière premium, dites de classe A. Elle possède certes des centres commerciaux, mais elle possède ceux-ci aux meilleurs emplacements, dans les zones à fort pouvoir d’achat. Par exemple, c’est cette foncière cotée qui possède le centre des 4 temps à La Défense.
Aux Etats-Unis, où les Gafas ont de l’avance chronologique sur leur emprise par rapport à la situation en Europe, on constate que les foncières détenant des centres commerciaux dans des zones secondaires souffrent, alors que ceux qui sont implantés aux meilleurs emplacements résistent bien. Si la situation se produit à l’identique en Europe avec un retard de phase, Unibail devrait être la foncière de centres commerciaux qui in fine résistera le mieux.
Cela fait écho à la dualisation de la Société, avec d’un coté ceux qui ont des facilités ou qui bénéficient des effets de la mondialisation qui n’ont jamais eu autant d’opportunités, et de l’autre ceux qui sont exclus des bénéfices de la mondialisation qui souffrent de plus en plus. La conséquence étant que le pouvoir d’achat se concentre de plus en plus dans les beaux quartiers des plus grandes métropoles.
À 134 €, cours du jour, Unibail sert un rendement de plus de 8%, possède une décote d’environ 35% sur son ANR (Actif Net Réévalué), et historiquement cette foncière a su faire croître son ANR.
Le titre d’Unibail est une SIIC, action non éligible au PEA (si vous ne savez pas ce que c’est qu’une SIIC, et sa différence par rapport à une SCPI, la lecture du livre Construisez et gérez votre patrimoine avec succès, afin de bien connaître les base en gestion de patrimoine et notamment les différents types d’actifs, et leurs avantages et inconvénients respectifs. L’investissement en bourse est quant à lui développé spécifiquement développé dans Investir en bourse ; styles gagnants, styles perdants).
Amazon, la deuxième jambe du deal.
La valeur intrinsèque d’une Gafa est difficile à établir, car beaucoup de sa valeur est concentrée loin dans le temps. De plus, Jeff Bezos aurait tendance à raisonner en Outsider, minimisant les profits immédiats en réinvestissant tout dans la croissance future de l’entreprise. Le fonds québécois Barrage Capital, plutôt pourtant orienté value, établie une valeur intrinsèque d’Amazon entre 1600 et 1750 $.
Voici leur raisonnement au-sujet de l’investissement dans ce type d’entreprises (extrait de leur dernière lettre semi-annuelle) :
Les titres de croissance n’échappent pas à ce raisonnement, peu importe les prévisions. Quand nous dénichons un titre pour lequel nous prévoyons une croissance de 40% sur plusieurs années, ainsi qu’un taux passablement élevé pour les années suivantes, nous calculons la valeur présente des bénéfices prévus. Si notre estimé s’élève à 35 fois les profits, nous souhaiterons naturellement payer moins de 35 fois. Ainsi, même à 25 fois, il peut s’agir d’une aubaine, alors que pour un titre aux perspectives beaucoup moins intéressantes, un tel ratio indiquerait une nette surévaluation.
Le style «valeur» est-il devenu désuet ? Cette idée nous semble absurde. Acheter des actions à rabais demeurera éternellement une stratégie gagnante. Pour plusieurs gestionnaires qui se disent «valeur», une action cotée à 20 ou 25 fois les bénéfices ne peut pas figurer dans la zone des aubaines. Pourtant, l’essentiel repose dans la valeur relative. Chez Barrage, nous préférons acquérir des titres qui valent 35 fois les profits à 20 fois, plutôt qu’un titre à 6 fois s’il n’en vaut que 7. Nos plus grandes positions en portefeuille reflètent cette logique. Loin de nous est l’idée que nous avons maintenant opté pour une stratégie de croissance, sans égard au prix payé !
Encore faut-il qu’un tel raisonnement ne soit pas une énième version de « Cette fois, c’est différent », mais je confesse avoir néanmoins tendance à penser comme eux, c’est-à-dire qu’autour de 30 fois les profits, Amazon est un bon deal. Et au 1330 $ où M.Le Marché nous propose l’action aujourd’hui, on est légèrement en-dessous de ces eaux-là.
50% Amazon / 50 % Unibail : le deal parfait au timing actuel ?
Actuellement, l’investisseur value qui n’aime pas payer cher ses titres en bourse est très tenté d’acquérir des titres Unibail. On est sur 8% de rendement, et ce, pas sur des actifs de seconde zone, mais bien sur des emplacements premiums, on peut donc espérer que le dividende n’ait pas à être coupé dans le futur. Mais il y aura toujours en arrière-plan dans la tête de cet investisseur l’un des questionnements suivants :
- Et si Amazon cannibalisait tout le secteur de la distribution ?
Alors, oui, on peut penser que les centres commerciaux comme ceux d’Unibail sauraient utiliser leurs murs en les redéployant à d’autres activités. On peut notamment penser à des activités dites d’expérience, et donc pas en concurrence directe avec le commerce en ligne : bowling, restaurants, spa, salon de beauté, etc. Mais qui dit qu’ils sauraient alors en tirer un loyer au mètre carré aussi élevé que celui qu’ils reçoivent actuellement ?
Or, l’investisseur value qui en général n’ose pas acheter les Gafas a aujourd’hui l’occasion d’acheter Amazon à un prix PAS complètement irrationnel. Et en combinant les 2 achats Amazon et Unibail à 50%/50%, il pourrait en moyenne payer un prix proche de ses standards habituels, l’actif bradé (Unibail) moyennant à la baisse les ratios de prix payé (par rapport à ceux plus élevés d’Amazon), l’actif plus cher (Amazon) étant une couverture intéressante car corrélé à une grande partie des risques de downside de l’actif bradé (Unibail).
Mon arrêt d’investir dans le retail…
Dans l’article De la difficulté d’investir dans le retail, j’exposais récemment ma décision de ne plus jamais investir dans le retail. En écrivant cet article (et surtout en effectuant l’investisse que j’y expose), je me suis demandé si je n’étais pas en train de me dédire. In fine, j’ai conclu que non pour les raisons suivantes :
- Unibail n’est pas une pure entreprise de retail. Mais elle est néanmoins un peu liée au secteur, car elle leur fournit les murs. Mais son business model est néanmoins différent d’une entreprise de retail, puisqu’elle peut remplacer une enseigne de retail qui péricliterait en louant ses murs à une autre. Ou à des enseignes offrant de l’expérience (bowling, cinémas, massages) plutôt que de la vente de produits, comme le font actuellement aux Etats-Unis les centres commerciaux de seconde zone qui souffrent
- Amazon est vue comme beaucoup par l’entreprise de retail ultime, la plus performante de toutes, le Walmart du XXIème siècle. Oui, mais si on dit ça, Amazon reste néanmoins une entreprise de retail. Mais je ne vois pour ma part pas la valeur d’Amazon principalement dans le retail, mais dans ce qu’elle développe autour du retail et que selon moi elle dominera dans les prochaines années (cloud, livraison, nouvelles inventions, etc.)
…Ou une réflexion sur la fin des marques.
Les difficultés du retail et d’acteurs comme LBrands (détenant la marque Victoria’s secret) qui étaient considérés encore il y a 2-3 ans comme un détenant un fort moat, ne sonneraient-elles pas la fin de l’ère des marques ?
C’est en tout cas l’avis de Scott Galloway, l’auteur du règle des 4, qui considère que nous somme revenus en arrière à l’ère du produit comme dans la première moitié du XXème siècle à l’époque des automobiles, et des premiers produits électroménagers… Qui étaient à l’époque comparés vraiment pour leurs qualités intrinsèques, avant que ce soit l’ère des marques et de la puissance publicitaire qui se mit à sélectionner les commerçants gagnants à partir de la seconde du XXème siècle.
J’avoue avoir eu un peu la même impression en vendant mon livre L’investissement immobilier locatif intelligent. Alors que ma marque (= mon nom) n’était quasiment pas connue (je n’étais ni le blogueur, ou youtubeur le plus connu dans le domaine loin de là), le livre a vite pris la tête de la catégorie immobilier d’Amazon, puis est devenu un best-seller, figurant parmi les livres les plus vendus en France en 2018, toutes catégories de livres confondus (oui, je vous confirme que ça fait bizarre, de se retrouver dans la liste Top 100 d’Amazon, qui plus est lorsque c’est dans sa première moitié, parfois juste devant une BD à fort tirage comme le dernier L’Arabe du futur, un roman de Marc Levy, ou encore un grand classique comme Le Petit Prince… Même si ça procure une sensation très agréable 😉 ).
Pourquoi ? Non pas parce que j’avais la marque la plus connue, mais à mon sens bien parce qu’il a vite été reconnu comme le meilleur produit répondant à ce besoin d’acquérir des connaissances sur l’investissement locatif, ce que les acheteurs pouvaient constater à travers les notes qu’il recevait sur la plate-forme qui concentrait la majorité de leurs recherches de livres…
Disclaimer
L’auteur de cet article possède des actions Amazon et Unibail.
Cours à date d’écriture de l’article : Unibail = 134 €, Amazon = 1330 $.
Je rappelle au cas où aux lecteurs que je partage mes réflexions, à titre gratuit sur des idées d’investissement (sans vendre un abonnement pour cela), sur le blog. Et que je n’oblige personne à me suivre, que je ne suis pas conseiller en Investissement Financier, et que cet article ne doit en aucun cas être considéré comme des conseils d’investissement.
Je ne me suis par ailleurs jamais engagé à m’astreindre à informer tout le monde de tous mes mouvements en direct (et je ne m’y engagerai pas, car ce serait trop contraignant. Mais en corollaire, je reste logique et n’annonce pas ma performance chiffrée quand elle est bonne, puisqu’elle serait alors in-prouvable).
Libre à chacun ensuite de lire ou non les articles en connaissance de cause, et de prendre ses responsabilités.
Très intéressante réflexion. Personnellement j’ai commencé à revenir sur le secteur des foncières cotées avec Klepierre cette semaine. On est arrivé à des prix vraiment intéressants sur le secteur. Effectivement côté US, les foncières premium se défendent bien (Realty Income est un bon exemple), je pense qu’il en sera de même chez nous. En ce qui concerne Amazon, je ne sais pas, j’avoue être plus réservé, même si je comprends votre raisonnement, j’ai beaucoup de mal à analyser cette valeur. Je pense que je partirais plus sur du 35 % Amazon et 65 % foncières, mais peut-être suis-je trop conservateur. Concernant Barrage Capital, j’avais trouvé un pdf très intéressant sur internet intitulé « Démystifier la marge de sécurité », je vous invite vraiment à le lire (facilement trouvable sur google), ils expliquent très bien l’approche value.
Bonjour Jean,
Oui, pour Barrage, je suppose que vous parlez de ce papier : https://barragecapital.com/workspace/uploads/firme/mos-20150805_1.pdf.
Pour le reste 50/50, 65/35, ou 35/65, c’est selon la sensibilité / le jugement de chacun. Mon article était surtout là pour faire réfléchir à une telle combinaison, car je trouve que dans le contexte actuel, suite au repli global du marché (repli général, y compris GAfa, et baisse encore nettement + marquée des foncières), les étoiles sont suffisamment alignées pour qu’elle puisse faire sens (alors que c’était moins le cas il y a 2-3 mois par exemple).
Oui c’est bien ce document, intéressant vous verrez, j’aime bien le passage sur Lynch 🙂
Sinon je vous rejoins dans votre raisonnement, cette stratégie peut être intéressante.
Article intéressant… mais vu les secousses sur les marchés actuellement, je pense que la meilleure et plus sage décision reste l’investissement passif à travers des fonds ETF ou trackers. Le stock-picking est de moins en moins payant malheureusement.
À mon sens, les ETFs sont des produits encore bien trop jeunes pour qu’on puisse tirer une telle conclusion. Il n’étaient encore que peu représentés lors de la dernière grande baisse du marché.
Merci pour l’article. Je ne suis pas fan de l’action Amazon , ou alors il faudrait lui associer Alibaba.
Mais je fais un raisonnement similaire au tien, en associant à l’achat d’Unibail, celui de boites d’entrepôts..
Très bon article, et idée intriguante de pair trade. Merci.
Une remarque: le rendement d’Unibail est fabriqué en partie par le levier appliqué sur les actifs immobiliers: emprunts obligataires dont 100% du capital est remboursé à l’échéance.
Or les taux sont aujourd’hui très bas, Unibail en a profité pour se refinancer à très bas coût. Ce qui est de la bonne gestion. Mais ces foncières empruntent en général sur 5-7 ans, et doivent ré-emprunter le capital à chaque fois qu’une obligation arrive à terme. Si/lorsque les taux remonteront, le coût du refinancement augmentera, et le résultat net d’Unibail baissera mécaniquement. Par ailleurs la remontée des taux pourrait faire baisser l’ANR, de par l’augmentation des taux de capitalisation utilisés pour évaluer le patrimoine immobilier. Donc, dans l’esprit d’un investisseur de long terme, pour sécuriser le trade, il faudrait presque une troisième patte, qui elle bénéficierait d’une hausse de taux !
Candidats possibles: Banques, Compagnies d’Assurance, ou pourquoi pas Berkshire Hathaway qui génère d’immenses quantités de cash.
Un article du New York Times (en anglais) : Amazon knows what you buy, and is building a big business from it, que j’ai trouvé intéressant et qui pointe comment Amazon est en train de gagner un avantage concurrentiel sur un 3ème pilier en sus du retail, et du cloud : la publicité en ligne.
L’article illustre comment et pourquoi Amazon pourrait surpasser Google et Facebook en termes de ciblage et proposition de valeur pour les marques sur la publicité en ligne.